• 1,7 milliard de francs versés par la Coopérative de la Sonatel
• Les détails des versements
• Série d’arrestations dont la 1ere adjointe au maire a Guéreo
• Un propriétaire terrien dans les pommes
• Un site de 6 ha à 35 millions de FCFA rasé au préjudice de Michel Delate
Les choses se corsent pour le maire de Sindia, Thierno Diagne, arrêté mardi par la brigade de recherches de la gendarmerie de Saly Portudal. Déféré, hier, au parquet du tribunal de grande instance de Mbour, l’édile de Sindia ne sera pas longtemps seul dans la citadelle du silence. La traque de ses affidés se poursuit et, hier, les enquêteurs ont procédé à une série d’arrestations dont la première adjointe au maire de Sindia. Des arrestations procédées dans le village de Guéreo.
Pour comprendre ce qui arrive à Thierno Diagne, qui fait face à une cascade de plaintes, il convient de jeter un regard dans le rétroviseur. En 2009, le sieur Michel Jacques Delate, un ressortissant français domicilié à Ngaparou, acquiert un terrain de 6 hectares dans les alentours de la réserve de Bandia. Il paye 35 millions de FCFA pour l’acquisition et commence à développer un projet de parc de loisirs pour s’inscrire dans la dynamique de l’installation du nouvel aéroport international Blaise Diagne de Diass alors en phase de construction. Ce complexe de loisirs, ‘Parc King», devait concentrer plusieurs activités lucratives (jeux, buvette, discothèque, restaurant, piscine de 300 M2, labyrinthe (horreur) et un mini golf. Un projet qui devait aussi générer une centaine d’emplois.
Mais, en 2015, contre toute attente, Thierno Diagne, le maire de la commune de Sindia, rase le terrain pourtant objet de la délibération N°03 du Conseil rural de Sindia délivré à l’époque par son président, le socialiste Ousmane Lo, en date du 12 juin 2009 et approuvé par le sous-préfet le 12 juin de la même année. Quelques mois plus tard, des travaux pour une ferme et une station d’essence sont lancés sur une surface de 2 hectares dudit site.
Le sieur Delate voit rouge et porte plainte contre x devant la gendarmerie de Popenguine le 16 février 2015, ensuite devant le tribunal d’instance de Mbour le 1er avril 2016 et enfin devant le tribunal de grande instance de Thiès le 23 mai 2016 pour occupation de parcelles appartenant à autrui. Le plaignant, qui se trouve présentement en France et que nous avons joint au téléphone, sera au Sénégal à compter de mardi prochain pour défendre son dossier. Ne croyez surtout pas que c’est le seul délit reproché à l’édile de Sindia. Vous n’y êtes pas. Le plus cocasse est à venir. Et cette gigantesque forfaiture a fait l’objet d’une enquête de l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (OFNAC).
En 2015, la coopérative de construction et d’habitat des travailleurs de la Sonatel, par le biais de sa présidente, Mme Émilie Diop, fait une demande de 160 hectares. Thierno Diagne, qui sent le gros coup, délibère pour 190 hectares et charge des affidés dont un certain Abdoulaye Guèye de vendre sous le manteau le surplus censé tomber dans l’escarcelle de la mairie. La coopérative de la Sonatel morcelle le site et obtient 2700 parcelles. Thierno Diagne dresse une liste d’une centaine de propriétaires terriens à dédommager et … s’inclut dedans. Beaucoup de ses proches, qui servent de prête-noms, figurent également sur la liste.
Le 16 décembre 2015, la coopérative de la Sonatel effectue un premier versement de 300 millions de FCFA pour dédommager les propriétaires légitimes. Le deuxième versement de 500 millions de FCFA interviendra le 28 janvier 2016. Le 1er avril 2016, un troisième versement de 500 millions de FCFA est encore fait. Le dernier versement date du 21 juillet 2017.
Thierno Diagne charge un de ses hommes de mains, Selle Ndiaye, de déplacer les propriétaires terriens triés sur le volet chez la notaire dont l’étude se trouve dans la station touristique de Saly Portudal.
Devant tant d’argent, un des soi-disant bénéficiaires, habitant le village de Guéréo, tombe en transe et… s’évanouit. Parmi ces «propriétaires», une ancienne conseillère rurale proche de Thierno Diagne reçoit 15 019 500 F CFA. Le maire lui-même — un cas flagrant de délit d’initié — perçoit 10 millions de FCFA le 6 janvier 2016, ensuite 20 millions de FCFA le 10 février 2016 et 12 millions de FCFA le 12 mai 2016. En tout 42 millions de FCFA dans son escarcelle sans compter les prête-noms glissés sur la liste. Cerise sur le gâteau, chaque bénéficiaire doit reverser 10% du dédommagement reçu à la mairie.
La coopérative de la Sonatel, qui n’a pas pu caser tous ses membres, refait une nouvelle demande de 100 parcelles. Thierno Diagne, ne disposant plus d’assiette foncière pour satisfaire cette demande, donne son accord et délivre des actes approuvés par le sous-préfet qui manque, à l’occasion, de vigilance sur ce registre.
En effet, Thierno Diagne n’a fait que puiser sur les… 2700 parcelles déjà attribuées pour faire 100 doublons. La supercherie ne marchera cependant pas devant la notaire qui décèle le faux et refuse de payer le reliquat de 120 millions de FCFA. Thierno Diagne devenu immensément riche se paye de grosses cylindrées et toise les véritables propriétaires terriens. Il est investi tête de liste de la coalition Benno Bokk Yakaar à Sindia, nonobstant ses frasques pourtant connues des plus hautes autorités du pays et que « Le Témoin » avait d’ailleurs dénoncées quelques semaines avant le démarrage de la campagne électorale pour les dernières locales. Le gars met le paquet avec son butin de guerre et parvient à se réélire facilement à la tête de la commune de Sindia. Aujourd’hui, il fait l’objet d’une cascade de plaintes de propriétaires terriens spoliés et se retrouve entre les mains de la justice. Celle-ci ira t-elle véritablement au bout de cette gigantesque arnaque qui implique directement un des protégés de certains pontes de la présidence de la République ? C’est la question que tout le monde se pose