Accusé à tort ou à raison de vouloir briguer une troisième candidature en 2024, le Président Macky Sall ne semble pas être le maitre du jeu autour de ce projet. En effet, les résultats sortis des urnes lors des élections législatives du 31 juillet ont ouvert une nouvelle configuration de l’espace politique sénégalais qui contraint le chef de l’Etat à chercher une solution pouvant permettre de sauver non seulement ce projet de 3ème candidature en 2024 mais aussi la dynamique unitaire Benno Bokk Yaakaar.
Un vent nouveau souffle sur la scène politique sénégalaise. Avec les résultats sortis des urnes lors des élections législatives du 31 juillet et qui attribuent à la coalition au pouvoir, Benno Bokk Yaakaar, 82 sièges de députés contre 80 pour l’inter-coalition Yewwi-Wallu et un siège pour chacune des trois listes proches de l’opposition sur la base du plus fort reste, nous assistons à une nouvelle configuration de l’espace politique sénégalais. Après dix ans environ de domination sans concession sur l’espace politique sénégalaise, la coalition Benno Bokk Yaakaar qui a été le fer de lance sur lequel l’actuel chef de l’Etat s’est appuyé pour dérouler tranquillement sa politique de gouvernance et une réélection dès le premier tour lors de la présidentielle février 2019 dernier, est sans doute, aujourd’hui, à la croisée des chemins avec cette ambition prêtée au chef de l’Etat de vouloir briguer une 3ème candidature en 2024. Et pour cause, soutenu par certains « laudateurs » du président de l’Alliance pour la République, ce projet de troisième candidature en 2024 ne fait pas l’unanimité non seulement au sein du parti au pouvoir mais aussi du côté des alliés.
Aujourd’hui, cette question serait même d’après certaines sources, à l’origine d’une crise de confiance qui règne au sein de la majorité présidentielle et qui menace même gravement le devenir de cette coalition. En effet, depuis la publication des résultats des élections législatives du 31 juillet dernier qui ont consacré la perte de la majorité parlementaire pour Benno Bokk Yakaar, le Président Macky Sall qui, visiblement, n’était pas préparé à ce tournant des choses au plan politique, cherche désespérément une solution magique qui pourrait sauver à la fois la dynamique unitaire de sa coalition et son projet de troisième candidature en 2024.
Casse-tête de la prochaine présidence de l’Assemblée nationale
Avec le départ du leader de l’Alliance des forces de progrès (Afp), Moustapha Niasse à la tête de la présidence de l’Assemblée nationale et la non réélection du président sortant du groupe parlementaire de Benno Bokk Yaakaar, le profil du prochain patron de l’Assemblée pour les cinq années à venir et celui du chef de file des députés de la majorité constituent un véritable cas pour Macky Sall. En effet, même si l’ancienne Premier ministre, Aminata Touré, qui a dirigé la troupe de la coalition Benno Bokk
Yaakaar en tant que tête de liste lors des élections législatives du 31 juillet dernier, est souvent évoquée comme candidate favorite du Président pour le perchoir, Macky Sall, d’après certaines sources, n’a pas encore pris une décision définitive dans ce sens. Mieux, le chef de l’Etat serait même en train de chercher ailleurs des solutions alternatives à cette candidature de l’ancienne présidente du Conseil économique, social et environnemental (Cese). Cette hésitation de Macky Sall à acter la candidature de Mimi Touré serait liée d’après nos indiscrétions à la position ferme de cette dernière contre la troisième candidature pour Macky Sall en 2024. Avant et pendant la campagne électorale pour les dernières législatives, Aminata Touré connue pour son franc-parler et qui a battu campagne sous le thème du bilan des dix ans de gestion du Président Sall, a déclaré partout que la 3ème candidature de Macky Sall est un faux débat puisque cette question est déjà réglée par la Constitution. Avec une telle position et la composition actuelle de l’Assemblée nationale où sa majorité parlementaire repose sur un seul député, Macky Sall ne veut pas prendre de risque de nommer à la tête de l’institution parlementaire, nous dit-on, quelqu’un qui ne partage pas son projet de troisième candidature en 2024.
Toutefois, il faut préciser que Mimi Touré n’est pas le seul responsable du parti au pouvoir sur qui, Macky Sall, se méfie aujourd’hui. Il en est de même pour l’ancien ministre de l’Économie et des Finances, Amadou Ba qui était pressenti pour diriger la liste de Benno Bokk Yaakaar, du maire de Thiadiaye et ancien ministre des Infrastructures, des Transports terrestres et du Désenclavement, Me El Hadj Oumar Youm, d’Aly Ngouye Ndiaye, maire de Linguère et ancien ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique, comme de Mouhamadou Makhtar Cissé, ex- ministre du Pétrole et de l’énergie pour ne citer que ceux-là. Responsables du parti au pouvoir, l’Apr, et élus députés pour la plupart lors des dernières législatives, ces responsables partagent en commun le destin d’avoir été virés du gouvernement et des instances de l’Etat lors du dernier remaniement ministériel du 1er novembre 2020 qui a propulsé, Mansour Faye, beau-frère du Président Sall, à la tête du puissant ministère des Transports terrestres et du désenclavement malgré les soupçons de mauvaise gestion des mille milliards du fonds de riposte contre la pandémie Covid-19 qui pesaient sur lui. Une promotion qui avait poussé certains à théoriser le projet de la dynastie Faye-Sall avec comme finalité, la succession de l’actuel chef de l’Etat par Mansour Faye.
Au Niveau du Fouta, des sources dignes de foi informent que Harouna Dia, un milliardaire établi à Ouagadougou serait allergique au 3ème mandat.
Le défi du maintien de l’unité de de Benno Bokk Yaakaar
Au-delà de la question du choix de ses lieutenants à l’Assemblée nationale pour la quatorzième législature, l’autre défi auquel le chef de l’Etat sera confronté concerne le maintien de la dynamique unitaire de sa coalition Benno Bokk Yakaar jusqu’en 2024. Moins bavards sur la question de la 3ème candidature de l’actuel chef de l’Etat en 2024, certains alliés notamment les partis de la gauche sénégalaise ne sont autant moins intéressés par ce débat. Et pour cause, ils avaient tous combattu le 3ème mandat du Président Wade. Même si la plupart des principaux leaders de ces partis alliés qui étaient au-devant de la scène dans la bataille politique contre la 3ème candidature du président Wade, ne sont plus de ce monde, il reste que cette volonté supposée ou réelle de Macky Sall de briguer un 3ème mandat constitue une grave menace sur le maintien de la dynamique unitaire de cette coalition.
NANDO CABRAL GOMIS